Le givrage
Site: | Didacticiel météorologique pour l'aviation |
Cours: | Le givrage |
Livre: | Le givrage |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | jeudi 21 novembre 2024, 12:32 |
Table des matières
1. Description du givrage
Le givrage... Qu'est ce que c'est ?
Le givrage est dû à la présence d’eau sous forme liquide à des températures négatives. En impactant une surface de l'avion, elle se transforme en glace : il y a accrétion de l'eau sous forme de glace sur l’avion.
1.1. Comment se forme le givrage ?
Lorsque la température est faiblement négative, il reste de l'eau liquide (dite en surfusion) dans les nuages. Au contact de l'avion, ces gouttelettes en surfusion se congèlent. De la glace se forme ainsi par accrétion sur la surface de l'avion.
1.2. Paramètres influents
La température
L'eau ne congèle qu'à des températures négatives.
Entre 0° et –12°/-15°C très peu d’aérosols constituent des noyaux glaçogènes. L’eau condensée est majoritairement liquide et surfondue. Le nuage présente un fort potentiel givrant.
Il n'y a pas d’eau liquide surfondue à des température inférieur à -40°C. Les noyaux glaçogènes sont tous actifs à partir de –35°C. On peut considérer que le potentiel givrant est nul en dessous de –35°C excepté dans les cumulonimbus.
Le diamètre des gouttelettes
La taille des gouttelettes nuageuses conditionne l’accrétion (captation, forme et zone contaminée) et donc la sévérité.
Le contenu en eau liquide
Le CEL (contenu en eau liquide) exprime la quantité d’eau liquide condensée présente dans un mètre cube d’air humide (g/m3). Le CEL est NON CONSTANT et varie rapidement (temps-espace) dans les nuages stables ET instables, le long d’une trajectoire horizontale du nuage, dans l’épaisseur d’un nuage.
Ordre de grandeur :
- nuages stables (St, As, Ns) : de 0,1 à 0,5 g/m3
- brume et brouillard : de 0,1 à 2 g/m3
- nuages instables (Cu, Ac, Cb) : de 1 à 5 g/m3 ( jusqu'à 15 g/m3 dans certains nuages instables tropicaux )
- précipitations : quantités supérieures
1.3. Intensité du risque de givrage
FAIBLE (LIGHT) (> 1 g/cm²/heure)
Ce givrage n'implique pas de contraintes particulières sur la conduite de l’avion.
Il est symbolisé ainsi sur les cartes TEMSI :
MODERE (MODERATE) (> 6 g/cm²/heure)
Ces conditions de givrage peuvent amener l’équipage à juger utile de changer de cap ou d’altitude.
Il est symbolisé ainsi sur les cartes TEMSI :
FORT (SEVERE) (> 12 g/cm²/heure)
Ces conditions de givrage amènent l’équipage à changer immédiatement de cap ou d’altitude.
Il est symbolisé ainsi sur les cartes TEMSI :
Attention l'intensité du givrage est difficile à quantifier
Elle dépend aussi de l'avion :
- son type, sa taille,
- ses équipements de protection contre le givrage,
- sa température de peau,
- sa vitesse,
- sa configuration (volets, phase de vol …).
Pour le pilote, l’intensité de givrage est reliée à la possibilité que son appareil puisse continuer à voler sans danger en présence de ce givrage => cette intensité effectivement subie est donc fonction du vol.
Les conditions évoluent rapidement à cause de :
- l'état instable de l’eau surfondue,
- la courte durée de vie de la convection.
1.4. Quelques situations de givrage
Composition d’un nuage
Les mouvements ascendants transportent des gouttelettes d’eau liquide à des températures négatives => eau surfondue
Convection
Dans les nuages instables (Cb, Cu, Sc, Ac), des forts mouvements ascendants entraînent les gouttelettes d’eau des basses couches vers des niveaux où les températures sont négatives. On est en présence d’eau liquide surfondue.
Scénario orographique: soulèvement
Au soulèvement au vent, le niveau de l’isotherme 0°C s’élève avec de l’air instable et descend avec de l’air stable. Le potentiel givrant augmente au-dessus des montagnes, en raison du soulèvement.
Scénario : inversion de température
L’inversion bloque le transport vertical et favorise un fort contenu en eau vers le sommet du nuage ainsi que la présence de grosses gouttelettes
Si brouillard givrant au sol, plus il est dense, plus le givrage est intense.
Scénario orographique: altocumulus lenticulaire
Les nuages stables de soulèvement orographique peuvent concentrer beaucoup d’eau liquide surfondue.
Scénario orographique: dans les vallées
L’air froid reste dans les vallées et est surplombé par des arrivées d’air chaud humide. Des gouttes d’eau liquide surfondue se concentrent dans l’air froid des vallées.
Zone frontale
Les régions de fort potentiel givrant sont généralement plus étendues devant les fronts chauds, au cœur des occlusions (air chaud surplombant).
Brouillard givrant
Le brouillard sera d’autant plus givrant que le refroidissement est important et rapide.
2. Les différents types de givrages
Il existe différents types de givrage :
- la gelée blanche,
- le givre blanc,
- le givre transparents,
- le givre mixte,
- le verglas.
2.1. La gelée blanche (Hoar frost)
Intensité : faible.
Aspect : cristallin en forme d’aiguilles, d’écailles ou de plumes qui la rend friable.
Formation : Condensation solide, passage direct de la vapeur d’eau en cristaux de glace.
L’accrétion peut se produire
-
au sol sur un avion au parking par des températures froides,
-
en vol au dehors des nuages, lors d’une descente ou d’une montée rapide dans une couche humide lorsque l’avion est froid.
Conditions météo : anticycloniques en hiver, par nuits froides et peu de vent.
En soi, la gelée blanche n'est "pénalisante" mais elle constitue un lieu favorable à l'accrétion ultérieure du givrage et elle dégrade le cofficient de portance de l'aile de l'avion.
Il est donc fortement conseillé de décontaminer l'aéronef avant de décoller.
2.2. Le givre blanc (Rime ice)
Intensité : faible/modérée
Aspect : laiteux et opaque, plutôt friable et fragile.
Formation : sur une surface froide, dans un milieu nuageux homogène froid. Les gouttelettes en surfusion congèlent très rapidement et emprisonnent beaucoup d’air en touchant l’avion.
Conséquences : s’accumule en pointe sur les parties exposées (bords d’attaque…). Il s’entasse et s’étend vers l’avant.
2.3. Le givre transparent (glaze ice)
Il peut aussi être appelé givre dur ou clair
Intensité : modérée/forte
Aspect : homogène, lisse, transparent, compact et très solide par absence d’inclusion d’air
Formation : Sur une surface froide, dans un milieu nuageux homogène, seule une petite partie des gouttelettes en surfusion congèle à l’impact. Le reste s’étale et congèle lentement. Les inclusions d'air ne se produisent pas.
Conséquences : couche mince et lisse avec création de formes à l ’avant. Le dépôt peut s’étaler en dehors des zones dégivrées.
Conditions météo : T° proche de 0°C, avec un contenu en eau liquide important
2.4. Le givre mixte (mixed ice)
Intensité : modéré/forte
Aspect : givre hétérogène, avec des accrétions de glace claire et compacte mêlées à des accrétions plus blanches et friables
Formation : sur les surfaces froides, dans un milieu nuageux hétérogène où varient la température et la taille des gouttes
Conséquences : similaires au givre transparent mais en s’étalant plus sur la surface de l’avion.
2.5. Pluie givrante (freezing rain)
Intensité : forte
Aspect : couche de glace dure -> verglas
Formation : pluie ou bruine surfondue se congelant à l’impact.
Conséquences : similaires au givre transparent mais tout l’avion peut être touché.
Conditions météo : perturbations au passage du front
3.1. Les différent types de risques
Quelques accidents ou incidents
- Le 10-01-1988, décollage interrompu avec sortie de piste. La profondeur trop lourde pour assurer la rotation. Chute de neige et projections de slush. Avion non dégivré.
- Le 2-11 –1988, accrétion rapide de glace et ingestion par les moteurs. Extinction de 2 moteurs sur 4. 3 morts.
- Le 21-12-88, décrochage au cours de l’arrondi. Conditions givrantes et pluie en surfusion rencontrées en vol: dépôt de glace d’1 cm. 6 blessés.
- Le 29-01-90, décollage et montée sous averse de neige. Décrochage à 700 ft. Avion non dégivré. 1 mort.
- Le 6-10-2001, givrage hélice et carburateur. Perte de puissance entraînant atterrissage d’urgence.
- Le 1-1-2005, le pare-brise se couvre de glace en finale. Atterrissage en dehors de la piste.
- Le 3-06-2006, conditions givrantes à 8000 m. Perte de contrôle. 40 morts.
Problèmes engendrés par le givrage
- Modification de la répartition des masses sur la cellule, position du centre de gravité.
- Formation par choc thermique ou dynamique.
- Modification des caractéristiques aérodynamiques, position du foyer.
- Blocage mécanique des gouvernes et tous mécanismes exposés.
- Casse antennes filaires (altération du signal voire perte totale COM/NAV).
- Bouchage des prises non dégivrées (perte des références instrumentales)
- Altération voire suppression de la transparence de la verrière.
- Perte des références visuelles en VFR.
- Incidence sur les moteurs (bouchage des entrées d’air, ingestion de glace, balourd induisant perte de pales ou d’hélices complètes voire moteurs, givrage du carburateur).
- Rapidité de la formation ou de l’accrétion (instantané, exceptionnellement plus long au sol par baisse T)
Givrage carburateur
ATTENTION :
Givrage carburateur possible même avec une température extérieure positive de plusieurs degrés.
Givrage facilité par régime moteur réduit et atmosphère humide
3.2. Les moyens de lutte
Anti-givrage et dégivrage au sol
Traitement préventif à long terme :
- application d’un lubrifiant à base de silicone
- bords d'attaque des volets hypersustentateurs
- trains d'atterrissages, trappes et logements
- joints d'étanchéité des portes et verrières
Traitement préventif à plus court terme :
Pulvérisation d’un produit antigivre (liquide épais type II). Attention, le temps de protection très variables : entre –7° et 0°C : 8 heures de protection en cas de gelée blanche, 20 minutes en cas de verglas.
Traitement curatif :
- pulvérisation sous pression et à grand débit d’un liquide de dégivrage de type I. Attention, le temps de protection très variables : entre –7° et 0°C : 45 minutes de protection en cas de gelée blanche, 3 minutes en cas de verglas,
- traitement à l’eau chaude pure,
- réchauffage électrique (glaces, évacuations des eaux usées).
Anti-givrage et dégivrage en vol
Circulation d'air chaud
- piquage réacteur (turboréacteur)
- gaz d'échappement (moteurs à pistons, turbopropulseur)
Résistance électriques chauffantes collées sur les bords d’attaque
- de la voilure,
- des pales d'hélice,
- des gouvernes de profondeur et de direction,
- des vitres du poste de pilotage.
Liquides à base d’alcool
- par centrifugation sur les bords d'attaque des pales d'hélice
- par exsudation pour la voilure
Déformation de membranes de caoutchouc enveloppant les bords d’attaque
- "interdit" au décollage et à l'atterrissage,
- uniquement pour le dégivrage
Tous ces systèmes sont très gourmands en énergie et modifient les qualités aérodynamiques